La porte s'entrouvre et je me faufile... Comme cette odeur est âcre et suffocante! J'ai la sensation que les molécules obstruent mes bronches, me brûlent les poumons. Les yeux me piquent et s'assèchent ; mon corps se met à tressaillir. Pétrification!! Je ne peux plus bouger. Je ressens chaque parcelle de mon corps ; le moindre pore de ma peau ; la moindre perle de sueur...
Mon corps ne sait pas à quel point j'ai peur. Je ne me sens plus chez moi. Qui est-il? Je ne connais pas cette enveloppe! Où est-passée mon armure? Je lève la tête et je la vois qui s'élève. Elle monte ; elle me quitte. Elle tournoie sur elle-même, inlassablement et lentement. Elle s'arrête... Elle flotte dans l'air.
Je reste immobile, anéantie par cette séparation... Mon armure est si belle, étincelante malgré ses quelques ébréchures. Je l'admire! Mais je le préfère sur moi. Je ne l'avais jamais vu aussi belle, aussi magnifique.
Et puis, d'un coup, elle explose dans un fracas infernal. Elle explose littéralement, et une douleur indescriptible et démesurée m'envahit... Je hurle à n'en plus finir, je me sens écartelée... Et chacun des morceaux vient se loger dans ma chair! Je suis ciselée, poignardée. Aucun endroit de ma peau n'est épargné. Et durant tout ce massacre, toujours cette odeur obsédante, ce souffle nauséabond... Que me veulent-Ils?
Que se passe-t-il? Je me retrouve à genou, haletante, comme si je réapprenais à respirer ; comme si je venais de naître! J'entrouvre les yeux,et mes pupilles s'écarquillent de terreur. Du sang! Rien que du sang! Je baigne, je gis, je nage et me débats dans le sang. Je m'aperçois, comble d'effroi, qu'il s'agit du mien, s'échappant de chacune de mes plaies.
Au lieu de pleurer, de hurler, je le touche timidement. Il est chaud... Et je m'aperçois que j'aime sa sensation, sa douceur, sa texture. Je le porte à ma bouche, et son goût me titille les papilles. Doucement je me redresse et je ne perçois déjà plus la douleur. Je me sens totalement différente, indifférente à la douleur, à ce qui m'entoure, je ne ressens rien de l'extérieur, juste un état de plénitude, de bien-être, de flottement. Et je continue d'avancer dans ce couloir chaud, humide et obscur.
Je ne sais pas où je vais ; je suis incapable de le dire, de l'expliquer, mais j'avance. Au fur et à mesure que mes pas se succèdent, les plaies se referment, cicatrisent, et disparaissent. Cette odeur obsédante s'estompe et devient presque agréable.
Alors j'accélère le pas, sûre de moi, j'avance comme si je maîtrisais ces éléments. Mais mon front se bloque. Une main, une paume, vient se poser sur mon front brûlant et m'empêche d'avancer. Plus je force, plus je sens mes vertèbres se tasser. Je relâche la prise, mais il n'y a rien devant moi, absolument rien!
"Pourquoi vas-tu si vite?" Voix d'outre-tombe... Je ne sais pas, je me sens sûre de moi! "Vas plus loin!" Je me sens chez moi, comme si je connaissais déjà tout çà par coeur. "Et ta peur?" Elle a disparu, je crois, je n'ai plus peur, plus d'appréhension. Je sais que plus rien ne peut m'arriver de mauvais, car çà ne me touche plus, mon corps a été martelé, assailli... Mon cerveau a tellement géré de souffrance, que tout lui paraît futile à ce jour.
Et cette présence se rapproche, je l'entrevois, la devine, mais n'arrive pas à la distinguer.
Et un hurlement s'enfuit de mon être!!!!! Une main vient de perforer mon thorax à l'endroit du coeur. Des larmes coulent le long de mon visage. Tout mon être est tendu, et je la sens se retirer... Ce spectre tient ma vie entre ses doigts. Je vacille, je tremble... Une étrange nausée commence à monter en moi. Je suffoque, tel un poisson hors de l'eau.
A cet instant, je ne ressens plus rien, absolument plus rien. Je me retrouve vide, vidée, comme un gibier agonisant. Je redresse la tête et je vois cette chose qui bat entre ses mains, et je ne suis pas morte... Pourquoi?
Je regarde ma poitrine, et il n'y a rien... Pas de sang! Pas de trou béant! Rien! Nada! Je ne comprends rien... "Tu me l'as offert! C'est pour cela que tu es toujours vivante, vibrante!"
Non!!!!! Je ne lui ai rien donné!!! Cette ombre s'est servie... Seule! "Bien sûr que non, sinon tu serais morte... Tu n'aurais jamais survécu à tout çà!"
Mais pourquoi? Que m'arrive-t-il? Je ne me suis jamais sentie aussi bien, aussi moi! Comme si je venais de me révéler, de me relever. Pourquoi n'ai-je pas franchi cette porte plus tôt? Pourquoi ne s'est-elle entrouverte que maintenant?
Pour la première fois je suis vivante, je le sais, différente d'eux tous, mais véritablement moi, MOI! Avec une âme et un corps, et plus cette peur qui m'étouffait à chaque instant...
J'ai repris mon couloir, toujours obscur... Je ne sais pas où je vais, ni ce qui va se passer, mais une chose est sûre... Je n'ai plus peur de çà! Je n'ai plus peur de la Mort! Je n'ai plus peur de...
MOI!